Le crapaud accoucheur, un chanteur nocturne en Anjou
« T'as d'beaux yeux, tu sais » doit sans doute dire le naturaliste féru d’amphibiens à l’Alyte accoucheur. Ce crapaud n’a en effet pas besoin de se métamorphoser en blanche colombe : il a déjà un regard d’or ! Très discret, on le connaît généralement plus pour son chant flûté et mystérieux. C’est ce "tût tût" intermittent qui rythme les nuits de printemps au cœur même des villages ruraux et pittoresques. Une douce complainte malheureusement de plus en plus rare.
- Aspect : petit crapaud trapu, l’Alyte ne mesure qu’entre 4 et 5 centimètres. Son corps, de teinte grise ou beige, présente de petites verrues formant des lignes. Ses beaux yeux sont l’un de ses traits distinctifs : la pupille dessine une fente noire verticale dans un iris couleur or. La pupille du Crapaud commun forme au contraire une fente horizontale.
- Régime alimentaire : différents petits invertébrés : insectes, araignées, mille-pattes, mollusques, vers...
- Longévité : jusqu’à 5 ans. Les têtards peuvent mettre un an avant de se métamorphoser en adulte.
- Comportement : l’animal part en chasse au crépuscule. Il passe la journée caché dans de petites cavités où il hiberne également.
- Prédateurs : des mammifères (loutre, putois), des rapaces nocturnes (chouettes et hiboux) et échassiers (hérons) ainsi que des couleuvres.
- Reproduction : au début du printemps le mâle Alyte se met à chanter pour appeler les femelles. Lorsque les deux partenaires se sont trouvés, ils s’accouplent sur la terre ferme, dans le gîte du mâle. L’espèce tient son nom du fait que le mâle aide la femelle à « accoucher » d’un chapelet d’œufs. Il les féconde ensuite avec son sperme. La suite de la reproduction est encore plus originale : le mâle enroule la guirlande d’œufs autour de ses pattes postérieures. Il les portera avec lui et les humidifiera régulièrement jusqu’à leur éclosion. Un vrai papa-poule !
Où vit l’Alyte accoucheur en Maine-et-Loire ?
Contrairement à de nombreux amphibiens, le Crapaud accoucheur ne vit ni dans les zones humides ni dans les forêts. Il recherche au contraire les milieux bien exposés, jamais inondés voire assez sec. On le rencontre ainsi dans les pelouses, les prairies, les étendues sableuses ou les milieux rocheux.
L’Alyte recherche en particulier des endroits riches en anfractuosités où il peut se cacher. Les murets en pierres et les anciennes carrières ne sont ainsi pas pour lui déplaire. Mais c’est également au plus près de l’homme qu’on peut le rencontrer, dans les villages riches en vieilles pierres. C’est ainsi une espèce dite « anthropophile ».
Un point d’eau nécessaire
Le mâle Alyte accoucheur ne vit jamais trop loin d’un point d’eau car il doit humecter les œufs qu’il porte. Les lavoirs sont d’ailleurs souvent visités !
Les têtards auront par ailleurs besoin pour se développer d’un plan d’eau de bonne qualité, pas trop végétalisé et très peu empoissonné. Ce sont donc souvent des milieux aquatiques jeunes ou régulièrement renouvelés. On dit ainsi que l’Alyte accoucheur est une espèce « pionnière » au vu des habitats aquatiques qu’il choisit.
L’Alyte accoucheur peut être entendu dans plusieurs espaces naturels sensibles de Maine-et-Loire comme :
Comment observer ce curieux amphibien ?
Souvent caché dans des recoins, l’Alyte accoucheur n’est pas facile à observer. Inutile d’ailleurs de trop persévérer et soulever chaque pierre : c’est une espèce menacée et tout dérangement est à proscrire.
Si toutefois le hasard fait la rencontre, il sera assez facile de le reconnaître. L’Alyte accoucheur peut néanmoins être confondu avec le Pélodyte ponctué, un autre petit crapaud. Certains Alytes sont en effets tachetés de vert comme ce dernier.
Le chant du Crapaud accoucheur
Ce crapaud ne présente pas de sac vocal et émet un son fluté et ténu qui n’a rien du coassement de ses cousins. Il est plus proche de celui du Hibou petit-duc !
Sans le nommer, Jules Renard décrit très certainement ce chant dans son Journal. Il parle en effet d'un « crapaud » faisant des « Ou ! Ou ! Ou ! » Il précise qu'il faudrait y ajouter "un h un peu aspiré, un peu le bruit de la bulle qui vient crever à la surface de la mare".
Après la comparaison avec "la plainte d'un oiseau perché sur un arbre" Jules Renard dit de cette "goutte sonore", cette "note triste" qu'elle est "le soupir d'une petite âme". "Et, comme jamais personne ne lui répond, aucune âme sœur, il finit par se taire tout à fait." conclut-il. Il y aurait difficilement meilleure façon de décrire les complaintes de l'Alyte accoucheur.
le soundcloud du chant de l'Alyte accoucheur
Une espèce menacée à protéger
Le Crapaud accoucheur est principalement menacé par la destruction de son habitat. L’artificialisation des terres autour des villages et le comblement des mares ainsi que l’empoissonnement de ces dernières lui est néfaste.
L’espèce est également fragilisée par l’isolement de ses populations lié à la fragmentation de son habitat. Il suffit alors de la disparition d’une mare pour que l’avenir d’une population entière soit compromis. La préservation et la création de points d’eau en réseau sur certains espaces naturels sensibles sont ainsi favorables à l’Alyte accoucheur.