Curieux petits dragons dans les mares de Maine-et-Loire
Les Tritons semblent être de curieux lézards aquatiques parés pour une fête des plus colorés. Ils auraient assurément eu leur place dans le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saens ! Certains de ces amphibiens arborent même une grande crête et semblent alors tout droit sorti d’un bestiaire imaginaire... Ils n’en restent pas moins inoffensifs et sont au contraire des animaux fragiles et menacés.
En Anjou, on rencontre principalement quatre espèces : le Triton palmé (Lissotriton helveticus), le Triton ponctué (Lissotriton vulgaris), le Triton crêté (Triturus cristatus) et le Triton marbré (Triturus marmoratus).
- Aspect : les Tritons ponctué et palmé mesurent une dizaine de centimètres tandis que les Tritons crêté et marbré en font une quinzaine. Les mâles arborent des livrées nuptiales chatoyantes, très différentes selon les espèces :
- Le Triton crêté possède une large et longue queue orange, noire et argent. Il se reconnaît aussi à sa crête dorsale dentée, comme déchirée, et sa peau verruqueuse.
- Le Triton palmé a lui aussi une crête mais elle est très petite. Il se distingue en revanche par ses pattes arrière palmées.
- Le Triton ponctué a des petites taches noires sur le corps et sous la gorge.
- Le Triton marbré se distingue nettement de ses camarades : il est vert olive tacheté de noir et son dos est traversé d’une ligne orange. En phase aquatique le mâle arbore une belle crête zébrée qui n’est pas dentée.
- Régime alimentaire : des invertébrés principalement, notamment des larves d’insectes telles les nymphes de Libellules. Les têtards de divers amphibiens sont également chassés ou même... d’autres Tritons.
- Prédateurs : des rapaces diurnes et nocturnes ainsi que des Hérons. Les œufs et larves sont par ailleurs prédatés par les poissons qui peuvent constituer une menace pour les populations de Tritons.
- Longévité : jusqu’à une dizaine d’années.
- Comportement : terrestres la majeure partie de l’année, les Tritons deviennent aquatiques pour la reproduction, au printemps et en été. Ils gagnent alors souvent les plans d’eau où ils sont nés. Ils hibernent par ailleurs de novembre à février environ.
- Reproduction : les parades nuptiales sont de toute beauté, les mâles agitant leur grande queue panachée. La femelle pond ensuite, privilégiant la qualité à la quantité contrairement aux Grenouilles. Ce sont tout de même entre 200 à 300 œufs qu’elle dépose parmi les plantes aquatiques, les enroulant un par un dans une feuille !
- Développement : les larves grandissent dans l’eau et sont pourvues de branchies externes. Elles les perdront une fois adulte et respireront grâce à un poumon et par leur peau. La vie aquatique du jeune triton s’achève généralement au bout de quatre mois. Certains sont toutefois atteints du syndrome de Peter pan et « refusent » de devenir des adultes ! Appelé néoténie, ce phénomène peu commun a été observé en particulier en Anjou.
Où vivent les Tritons en Anjou ?
En Maine-et-Loire, le Triton palmé est l'espèce la plus commune, suivie par le Triton crêté. Le premier se trouve sur tout le département et visite de nombreux plans d'eau. Le second occupe les deux tiers occidentaux de l'Anjou.
Le Triton marbré s'est quant à lui principalement installé dans les argilières des Mauges, au sein du bocage. Il apprécie en effet les eaux claires sur sol acide et bordées de nombreux arbres.
Quant au Triton ponctué, il vit dans la moitié nord de la France et est ici à la limite de son aire de répartition. Ses populations relictuelles se trouvent dans quelques vallées alluviales. Sur une localité de l’Anjou se trouve également le Triton alpestre, autre espèce très nordique.
Dans les mares où l’on trouve à la fois le Triton crêté et le Triton marbré apparaît parfois un hybride : le Triton de Blasius. Partiellement fertile et rare, il présente des caractères des deux espèces.
Plusieurs espaces naturels sensibles de Maine-et-Loire accueillent des espèces de Tritons menacées, notamment :
Comment observer ces petits amphibiens ?
Aussi surprenant cela soit-il, il est plus aisé d’observer les tritons durant leur vie aquatique que terrestre. Hors de l’eau, ils passent en effet la journée sous du bois mort ou dans des cavités. Ce n’est qu’à la nuit tombée qu’ils osent s’aventurer hors de leur cachette.
Lorsqu’ils investissent les mares au printemps pour la reproduction, les Tritons sont un peu plus actifs la journée. On les observera toutefois surtout à la tombée de la nuit, dans des mares peu profondes et limpides. C’est également dans les lavoirs que l’on peut en trouver !
Chercher les Tritons avec des filets n’est en revanche pas une option souhaitable. Ce serait en effet déranger une espèce protégée et menacée. La meilleure façon de découvrir les Tritons de l’Anjou est donc de profiter de sorties naturalistes. Des Rendez-vous Nature en Anjou, organisés avec plusieurs structures naturalistes locales, sont justement dédiés à la découverte de ces amphibiens.
Des espèces menacées à protéger
Les Tritons sont particulièrement sensibles à la qualité de leur milieu. Ils recherchent des plans d’eau assez vastes, peu empoissonnés et pourvus d’une végétation abondante. De plus en plus difficile à trouver ! Les populations se retrouvent ainsi dans des zones humides éloignées les unes des autres. Avec la fragmentation du paysage (urbanisation, routes) l’isolement n’est que plus grand. Il suffit qu’une mare disparaisse pour qu’une population soit condamnée.
Pour venir en aide aux Tritons, des actions de préservation et de création de milieux aquatiques sont mises en place. Les mares sont alors organisées en réseaux, chacune se trouvant à moins de 300 mètres d’une autre. Les populations peuvent ainsi se mélanger. Le Département, au travers de sa politique ENS, a d’ailleurs mis en place un régime d’aide financier portant sur la création et la restauration de mares sur l’ensemble de son territoire.