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La forêt de Monnaie, où quand l’Anjou blanc se teinte de vert
Au nord-ouest du Maine-et-Loire, le Baugeois étend ses vastes étendues boisées. La forêt de Monnaie-Pontménard est l’une des deux forêts domaniales que l’on peut y découvrir. Elle étire sa canopée sur les communes de Mouliherne et Longué-Jumelles, prolongeant la sylve séculaire de Chandelais. On y trouve les mêmes grandes allées filant à travers les futaies et se rejoignant dans des carrefours étoilés.
Contrairement à Chandelais, le massif de Monnaie a été conduit de façon hétérogène. Et ce que la forêt perd en « cachet », elle le gagne en diversité. Une vaste mosaïque d’habitats profite ainsi à une faune et une flore variées. Pour le promeneur, ce sont autant de paysages à y découvrir !
Sur de larges clairières, les futaies de hêtres, chênes et pins laissent place à des landes et prairies. D’anciennes carrières de sable ont quant à elles donné naissance à de petits étangs. Elles sont entourées par des boisements humides, des pelouses rases et de précieuses tourbières.
Au crépuscule ou sous la clarté crépusculaire de la lune, le décor marécageux semble se parer de mystères... Et il est en effet visité par des animaux étranges ! Pas d’inquiétude toutefois : les curieux habitants qui vivent là sont aussi petits qu’inoffensifs.
Plusieurs chemins permettront aux randonneurs de découvrir le massif. L’aire de pique-nique du gué du Nouy, à l’est de la forêt, pourra notamment servir de point de départ.
Faune et flore de la forêt de Monnaie
La vie cachée de la forêt
À Monnaie vivent de grands ongulés comme de plus petits mammifères. Cerf élaphe, Chevreuil et Sanglier croisent sur leur chemin les Musaraignes pygmées et couronnées, la Crocidure musette et de nombreux campagnols et mulots.
Perché dans les arbres, l’Écureuil roux côtoie quant à lui de nombreux oiseaux sylvicoles. Aux côtés des Mésanges, le promeneur chanceux pourra peut-être observer un Gros-bec casse-noyaux ou une Bécasse des bois en hiver. L’été, c’est la Fauvette des jardins qu’il pourrait bien apercevoir... Et peut-être même le mystérieux et nocturne Engoulevent d’Europe !
Le Bouvreuil pivoine, pour sa part, est là toute l’année. Il reste toutefois discret et se fait de plus en plus rare. Menacé de disparition en Pays de la Loire, il voit ses effectifs dégringoler en France comme ailleurs dans le monde.
Emblématiques des milieux boisés, les pics sont également bien présents. S’il est assez fréquent de rencontrer des Pics vert, même en pleine ville, certains de ses cousins se laissent moins facilement observer... La forêt de Monnaie est le lieu idéal pour y remédier ! Pic noir, Pic mar et Pic épeichette, sont trois foreurs de troncs qui s’y sont installés.
Des rapaces comme le Circaète Jean-le-Blanc, l’Autour des palombes ou encore le Faucon hobereau ont également investi le massif forestier.
Les petits habitants d’un géant boisé
Sous la haute canopée vivent des Lilliputiens à six pattes : les insectes. À la belle saison, ce sont les criquets qui font entendre leurs stridulations. Certains d’entre eux sont peu communs comme l’Œdipode soufrée ou encore le Criquet des ajoncs. Ce dernier est inféodé aux landes à ajoncs et est menacé en France par la disparition de son habitat.
À ces litanies enivrantes s’ajoutent celles des Grillons des bois et des marais. Les papillons, muets, jouent quant à eux les danseurs bariolés. Le Grand Mars changeant revêt ainsi un costume d’un bleu profond entaché de petites touches blanches tandis que la belle Aurore associe avec goût l’orange et le blanc. Plus rare et menacé, L’Azuré des Cytises, a opté pour le bleu et le marron.
Les étangs et marécages sont le royaume des libellules. Parmi celles que l’on peut rencontrer ici, certaines sont relativement communes comme l’Orthétrum à stylets blancs et son cousin l’Orthétrum bleuissant. D’autres sont beaucoup plus rares, tel le Leucorrhine à front blanc. Ses populations sont très localisées en France et d’autant plus en Maine-et-Loire.
Dans les mares, un hôte bien étrange
Les points d’eau de la forêt profitent à divers amphibiens. C’est le cas de la Grenouille agile ou encore de la très forestière Salamandre tachetée. Une autre espèce, très fragile, a également trouvé ici un relatif havre de paix. Rencontrer cet animal protégé est toujours source d’émerveillement : serait-ce un gros têtard coloré, un petit dinosaure d’eau douce, un dragon inoffensif ?
Il s’agit du Triton marbré, le plus sylvestre des tritons. Il est reconnaissable au jeu de couleurs qu’arbore sa peau granuleuse. Cet animal fragile est surtout présent dans l’Ouest de la France ce qui confère à la région des Pays de la Loire une forte responsabilité dans sa conservation.
Des tourbières au sous-bois, des plantes rares à découvrir
Les zones humides de la forêt de Monnaie hébergent une des seules plantes carnivores vivant à l’état sauvage en France. C’est l’Utriculaire citrine, qui pousse les pieds dans l’eau.
Autre plante peu commune, la sanguisorbe officinale croît pour sa part sur la terre ferme. Lorsqu’elle est en fleurs elle est facilement identifiable : elle donne des pompons pourpres dominant la végétation.
Le sous-bois accueille au contraire des espèces appréciant un climat chaud et sec. C’est le cas de l’Hélianthème en ombelle ou Ciste en ombelle, un arbuste s’accommodant à merveille du sol sableux. En mai, cette cistacée donne des fleurs blanches qui ont la particularité d’être éphémères. Les pétales tombent au bout de quelques jours mais sont constamment renouvelés !
La Campanule étalée, très rare en Anjou, fleurit également dès le mois de mai. Elle arbore de belles et nombreuses fleurs dont le cœur bleuté tire sur le violet à ses extrémités.
Dans les futaies de hêtres et de chênes se cachent également de nombreux champignons. Certains sont assez rares comme le Leucocortinaire bulbeux qui sent quelque peu... le céleri. Autre champignon peu commun, le visqueux Hygrophore à lames jaune soufre est pour sa part typique des boisements de pins.
Une forêt ancienne citée dans un parchemin
La forêt de Monnaie n’est pas toute jeune. À la fin du XIVe siècle, un écrit moyenâgeux la mentionne : le Trésor de la Vénerie. Écrit en vers par le chevalier et poète Hardouin de la Fontaine-Guérin, l’ouvrage est consacré à la chasse au cerf en Anjou. En introduction l’auteur parle d’une « forest de Monnoys » qui serait située à trois lieux de Baugé. L’usage du moyen français peut dérouter. S’agit-il bien de notre massif forestier ? Trois lieux, soit une quinzaine de kilomètres, c’est en tout cas bien la distance séparant la forêt de Monnaie de Baugé !
Comme de nombreux massifs forestiers de l’Anjou, la forêt de Monnaie a été royale avant de devenir domaniale après la Révolution française. Le dernier duc d’Anjou en ayant eu la possession fut le frère de Louis XVI, Louis-Stanislas-Xavier de France. Il deviendra plus tard Louis XVIII.
Un espace naturel sensible en action
La forêt domaniale de Monnaie est gérée par l’Office national des forêts (ONF). Celui-ci préserve notamment des îlots de vieillissement favorables à la biodiversité. En 2020, l’ONF a également mené des travaux pour créer ou restaurer 20 mares sur le massif de Chandelais et celui de Monnaie-Pontménard.
Le Département de Maine-et-Loire a par ailleurs financé des inventaires sur les Odonates (libellules et demoiselles) au niveau des anciennes carrières ennoyées. Ces recensements animaliers sont importants dans la gestion d’un espace naturel sensible. Elles permettent de déterminer l’intérêt écologique d’un milieu mais également de suivre les populations.
Une gestion différenciée des bords de route est également menée par les Agences techniques départementales. Elle permet à des espèces parfois rares de se maintenir comme le Millet printanier scabre. Cette graminée présente des populations très localisées à l’échelle mondiale. Face au fort enjeu patrimonial que sa conservation représente pour la région, un plan de conservation a été lancé en 2021. Elle se trouve ici au bord de la départementale qui traverse l’espace naturel sensible.