Les Œdipodes, des as du camouflage pourtant très colorés !
Les Œdipodes sont des criquets très surprenants. Leurs couleurs ternes leur permettent de passer inaperçu sur le sol. Mais lorsqu’ils ouvrent les ailes pour s’envoler, ils dévoilent du bleu, du rouge, du noir ! Cette particularité en fait un groupe à part dans l’ordre des Orthoptères (criquets, sauterelles et grillons). Quatre espèces pouvant être rencontrées en Anjou sont couramment appelées Œdipode : l'Œdipode turquoise (Oedipoda caerulescens), l'Œdipode aigue-marine (Sphingonotus caerulans), l'Œdipode rouge (Oedipoda germanica) et l'Œdipode soufré (Oedaleus decorus).
- Aspect : taille de 2 à 3 centimètres, les femelles étant plus grandes que les mâles. Comme les autres criquets, les Œdipodes se distinguent des sauterelles par leurs courtes antennes. Leur coloration est dite « cryptique » : elle est de la couleur de la pierre, de la terre, du sable… Seul l'Œdipode soufrée est bariolé de beige et de vert, là aussi dans une logique de camouflage. Transparentes chez les autres criquets, les ailes postérieures des Œdipodes sont colorées. Elles ne sont toutefois visibles qu’une fois déployées.
- Chez l'Œdipode turquoise, elles sont bleu ciel et noires aux extrémités.
- Chez l'Œdipode aigue-marine, elles sont teintées de bleu à leur base.
- Chez l'Œdipode soufré, elles sont couleur crème et noires.
- Chez l'Œdipode rouge, elles sont rouges et noires aux extrémités.
- À noter que l’Aïolope automnale (Aiolopus strepens) est un criquet ayant également les ailes légèrement bleutées. Il est d’ailleurs parfois appelé Œdipode automnal.
- Régime alimentaire : herbivores, essentiellement des graminées. Des comportements nécrophages ont été observés chez certaines espèces.
- Longévité : cycle de vie d’un an, la forme adulte étant observable l’été durant trois mois.
- Reproduction : chez l'Œdipode turquoise, l’espèce la plus étudiée, il a été observé que les mâles sont peu doués à la tâche. Ils semblent avoir du mal à reconnaître les femelles et grimpent sur tout et n’importe quoi, même des bouts de bois !
- Comportement : chez l'Œdipode turquoise, les individus ont des couleurs différentes. Chacun adopte au cours de plusieurs mues une teinte correspondant à celle du milieu dans lequel il évolue. Des études ont montré que ces criquets semblent connaître leur couleur et l’utiliser à bon escient. Là où mousses grises et sable jaune s’entremêlent, les individus gris évoluent et se réfugient sur les mousses tandis que les jaunes vont sur le sable !
- Chant : pour ce qui est de l'Œdipode turquoise, les stridulations sont très discrètes voire absentes
Où vivent ces discrets criquets en Maine-et-Loire ?
Toutes ces espèces sont xérothermophiles : elles apprécient la chaleur et les sols secs. Certaines comme l'Œdipode soufrée sont particulièrement méridionales, ce qui explique leur présence localisée en Maine-et-Loire. L'Œdipode rouge y est encore plus rare puisqu’il ne se trouve que sur une partie de la vallée du Layon, en particulier aux coteaux du Pont-Barré.
L'Œdipode turquoise est assez ubiquiste et se rencontre dans les pelouses sèches, les carrières ou les chemins. L'Œdipode émeraudine apprécie lui aussi les milieux dégagés ou peu végétalisés comme les gravières et sablières mais à l’inverse de ses petits camarades, celui-ci s’épanouie davantage dans les milieux frais à humides. Il s’invite même dans les cimetières !
En Anjou, certains espaces naturels sensibles accueillent plusieurs espèces d’Œdipodes comme :
Comment reconnaître les Œdipodes ?
Qu’on se le dise : l’identification des criquets et sauterelles est affaire de spécialistes. Pour les Œdipodes, la coloration des ailes et l’abondance ou la rareté de chaque espèce peuvent donner toutefois des indices. Si par exemple en bondissant le criquet semblait bleuté, il s’agissait probablement d’un Œdipode turquoise, l’espèce la plus commune. L’Œdipode aigue-marine est bien plus rare et sa coloration bleue est moins vive.
Difficile de les suivre du regard...
Non contents de jouer à « Où est Charlie ? » en se confondant avec le sol, les Œdipodes sont également malicieux. En effet s’ils se rendent visibles en ouvrant leurs ailes, ils prennent soin de ne pas se trouver là où on les attend. Certains terminent leur bond par un crochet sur le côté, d’autres se mettent à courir un peu plus loin...
Des criquets à protéger
Les menaces qui pèsent sur ces espèces
Il a été montré que l'Œdipode turquoise est une espèce particulièrement sédentaire, se dispersant peu pour chercher de nouveaux habitats. Lorsque ces derniers disparaissent, les dommages sont donc importants pour les populations. L’absence de considération pour les milieux où ces espèces vivent, comme les friches, pelouses, et autres milieux à végétation rase ou lacunaire, entraîne une mauvaise gestion néfaste pour ces insectes.
Le changement climatique pourrait en revanche être favorable à certains Œdipodes méridionaux comme l'Œdipode soufrée. Cela suppose de préserver les habitats ouverts qu’ils affectionnent et de les relier par des « corridors écologiques » : des milieux qui leur sont favorables. Sans cela, ils ne pourront migrer.
Les actions entreprises pour leur sauvegarde
Les actions favorables à ces criquets visent avant tout à préserver leurs habitats de prédilection : anciennes zones d’extraction comme les ardoisières, bancs de sable, coteaux au sol décapé, pelouses rases... Il s’agit alors d’éviter que ces lieux soient boisés par l’homme ou que, naturellement, la végétation y évolue et se densifie. Cela passe notamment par la gestion extensive des pelouses grâce à un pâturage ponctuel. Des partenariats avec des agriculteurs sont ainsi mis en place sur le département, comme sur les coteaux du Pont-Barré. Le Département participe activement à la mise en place de telles gestions sur d’autres espaces naturels sensibles.