De jolies clochettes dans les prairies de l’Anjou
La Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) est un brin de fantaisie dans la campagne angevine. En avril, elle fleurit en une belle clochette de Pâques. Impossible alors de la rater : son damier coloré semble avoir été peint par quelques fées ou lutins. Emblématique de la vallée de la Loire, la Fritillaire Pintade s’invite plus largement dans les prairies humides du Maine-et-Loire. Elle y fait la joie des promeneurs passant là, des botanistes et des photographes. Appelée Prot ou Coquelourde dans le Poitou, on la dénomme Gogane en Anjou.
- Aspect : l’appareil végétatif de la plante est très « passe-partout ». Il est composé d’une tige verte d’une trentaine de centimètres et de quatre ou cinq feuilles rappelant celle des graminées. Toute l’originalité de la Fritillaire pintade tient en fait dans sa fleur renversée. Celle-ci est le plus souvent solitaire, mesure 4 à 5 centimètres et prend l’aspect d’une cloche rose foncée. En regardant de plus près, on peut voir qu’il s’agit en réalité d’un damier aux cases blanchâtres et pourpres. La forme rappelle celle d’autres fleurs de la famille des Liliacées, comme les Tulipes.
- Longévité : plante vivace, elle survit de nombreuses années en passant l’hiver sous la forme d’un bulbe. Celui-ci fait la taille d’une noisette et est renouvelé chaque année.
- Reproduction : si les fleurs ont la tête en bas c’est, dit-on, suite à la venue du Christ. Contrairement aux autres fleurs qui étaient là, comme sa cousine la Tulipe, la Fritillaire aurait omis de s’incliner… Dès lors, rouge de honte, elle garde la tête baissée. Une posture qui ne l’empêche nullement d’être pollinisée ! La Gogane « mature » (plus de 4 ans) fleurit au printemps, généralement de la mi-mars à mai en Maine-et-Loire.
- Dissémination des graines : le fruit de la Fritillaire pintade a la particularité de se redresser peu à peu avant de s'ouvrir. Les graines qu'il contient ne pourront ainsi s'échapper que sous l'action d'un vent assez fort. Ces dernières ont par ailleurs la forme d’un disque à ailettes, maximisant sa portance. De quoi permettre un long voyage !
- Usages : plusieurs espèces de Fritillaires sont employées en horticulture. C’est le cas de la Fritillaire impériale, belle plante d’ornement, mais aussi de la Fritillaire pintade. Il est possible d’en acheter des bulbes.
© Clément Fourrey
Où pousse cette jolie fleur ?
Endémique à l'Europe, la Fritillaire pintade a colonisé tout le continent, de la Russie à l'Espagne en passant par les Balkans et l'Angleterre.
En France, l'espèce est inégalement répartie. Elle est surtout présente dans l'ouest du territoire et est particulièrement bien implantée en Anjou. On la trouve principalement dans la vallée de la Loire et les vallées de ses affluents. Ses populations y sont à surveiller car ailleurs en France les effectifs régressent. En Mayenne et en Sarthe, par exemple, sa présence est devenue exceptionnelle. Le département du Maine-et-Loire a donc une forte responsabilité dans la sauvegarde de l’espèce.
La Fritillaire pintade est exigeante sur la nature du sol et son hygrométrie. Elle apprécie les zones régulièrement inondées, en particulier les prairies humides. On peut également la trouver dans des boisements alluviaux fertilisés par des crues hivernales.
En Anjou, plusieurs espaces naturels présentent de belles populations de Fritillaire pintade dont :
Comment reconnaître la Gogane ?
Rien de moins difficile lorsqu’elle est en fleurs : ses clochettes sont inimitables ! Au début du printemps, repérer les pieds de Fritillaire pintade n’est ainsi pas trop ardu. Là où la plante pousse bien, elle peut qui plus est former une belle population. Certaines prairies se retrouvent alors intégralement tachetées du rose foncé des Goganes.
Une espèce menacée à protéger
Les menaces qui pèsent sur la Fritillaire pintade
La Gogane subit de plein fouet la disparition des prairies humides. Celles-ci sont en de nombreux endroits asséchées par drainage et remplacées par des cultures. Ailleurs, elles sont abandonnées et deviennent des friches, également inadaptées à son développement.
La Gogane ne semble par ailleurs pas très aidée par la nature. Il a en effet été montré qu’elle possède un génome (ensemble du matériel génétique) monstrueusement grand. À première vue, cela semblerait être une force… Mais il s’avère que ce sont en réalité les plantes les plus fragiles qui possèdent de tels génomes. Les plantes invasives, capables de s’adapter à beaucoup de situations, en ont, elles, de très petits !
Être belle aux yeux des humains ne réussit pas non plus à la Gogane. La cueillette sauvage fait des ravages parmi ses populations. La plante étant protégée, il est pourtant strictement interdit de la cueillir.
Les actions entreprises pour sa sauvegarde
Emblématique de l’Anjou, la préservation des populations de Fritillaire pintade mobilise. De nombreux bénévoles participent au comptage de pieds et des suivis des populations sont menés d’année en année. Les mesures agro environnementales sur les sites Natura 2000 de la Loire et des Basses vallée angevines permettent de préserver les prairies favorables à sa floraison.