En Anjou, des cours d’eau habités par des vampires...
Curieux « poisson » que voilà : la Lamproie est dépourvue de paire de nageoires et n’a pas d’écailles ! Si on l’ouvre, on ne trouve aucune arête mais des os… Et pour couronner le tout, elle n’a pas de mâchoire mais une bouche-ventouse couverte de dents. Avec celle-ci, elle suce le sang de ses proies !
Tout droit sorti de nos pires cauchemars, cette chimère entre la Murène et la Sangsue n’est en fait pas un poisson mais un agnathe. En Maine-et-Loire, on peut rencontrer trois espèces de Lamproies, toutes menacées.
- Aspect : corps nu et serpentiforme, rappelant l’Anguille, et qui sécrète un mucus. En dehors de sa ventouse buccale, deux caractéristiques sont bien visibles : ses yeux, comme écarquillés, et ses orifices branchiaux, au nombre de 7 sur chaque flanc.
- Régime alimentaire : les larves des Lamproies sont des animaux filtreurs consommant des organismes unicellulaires et des débris organiques. Les adultes sont en revanche hématophages : ils parasitent des poissons et aspirent leur sang. La Lamproie de Planer fait exception puisqu’elle ne se nourrit pas.
- Comportement : les Lamproies marines et fluviatiles diffusent un anesthésiant et un anticoagulant par leur bouche. Elles aspirent ainsi la lymphe et le sang en toute discrétion… Mais pas d’inquiétude : leurs morsures présentent peu de risques pour l’être humain.
- Longévité : 7 à 8 ans maximum.
- Évolution : ce sont des agnathes, des animaux vertébrés dits « primitifs ». Les Lamproies semblent en effet avoir peu évolué depuis l’apparition de leurs ancêtres, au Dévonien. Un fossile datant d’il y a 360 millions d’années s’avère notamment très semblable aux espèces actuelles.
- Adaptations : les Lamproies fluviatiles et marines sont des espèces dites amphibiotiques. Cela signifie qu’elles vivent une partie de leur vie dans l’océan et l’autre partie dans les rivières. Elles supportent ainsi l’eau salée comme l’eau douce.
- Prédateurs : le Silure et occasionnellement le Brochet.
- Reproduction : la Lamproie femelle utilise sa ventouse pour déplacer les galets au fond de l’eau et construire son nid. Elle se fixe ensuite à une pierre et attend qu’un mâle s’enroule autour d’elle et fertilise les œufs. Épuisés, les parents meurent après la reproduction.
- Utilisation : cuisinée, la Lamproie est notamment préparée « à la Bordelaise ». Mais attention de ne pas en faire une indigestion : le roi d’Angleterre Henri Ier en est mort !
Où vivent les Lamproies en Maine-et-Loire ?
Deux infatigables migrateurs
Les Lamproies marines et fluviatiles ne vivent en Anjou qu’à deux moments de leur vie.
Elles y grandissent, habitant à l’état de larve les fonds sablo-limoneux de certains cours d’eau. Elles s’enfouissent alors en groupe à des endroits bien précis appelés « lits d’ammocètes ». Elles y resteront 4, 5 ou même 6 ans !
À l’âge adulte, ces deux espèces de Lamproie gagnent ensuite l’océan. Elles y passeront une seconde partie de leur vie jusqu’à ce qu’elles atteignent la maturité sexuelle. Elles remontent alors les cours d’eau, en particulier la Loire.
Certaines empruntent ensuite la Maine jusqu’au barrage de Cheffes. Là, elles pondent leurs œufs dans un bras de vidange, le sol caillouteux leur convenant tout particulièrement.
Il semble également que quelques Lamproies marines et fluviatiles remontent épisodiquement le Thouet. Mais beaucoup d’individus optent pour la simplicité : ils se reproduisent le long de la Loire, dans quelques bras du fleuve. Des amocettes (larves) y sont en effet observées.
Une Lamproie sédentaire
Contrairement à ses cousines, la Lamproie de planer n’est pas migratrice. Elle habite les cours d’eau bien oxygénés et dont le lit est composé de sable ou de gravier. En Maine-et-Loire, la plus grosse population se trouve sur le ruisseau des Nymphes. Le bassin de l'Èvre abrite également une petite population. Il est possible que l’espèce soit présente ailleurs, mais certainement dans des effectifs très réduits.
Comment reconnaître les Lamproies ?
Impossible de confondre les Lamproies avec des poissons, si ce n’est avec l’Anguille. Quant à distinguer les trois espèces de Lamproies, il faut regarder en premier lieu leur taille. La Lamproie de Planer (15 cm) est la plus petite, on l’appelait d’ailleurs autrefois le lamprillon. La Lamproie marine est la plus grande : elle mesure entre 50 et 120 cm. Elle se reconnaît par ailleurs à sa peau marbrée. Quant à la Lamproie de rivière, elle ne dépasse pas les 40 cm.
Où voir des Lamproies ?
Il est difficile d’observer des Lamproies dans la nature. Il est parfois possible de les découvrir au moment de la reproduction (mai à juillet pour la Lamproie marine) si l’eau est limpide. On peut alors apercevoir des femelles accrochées à des pierres grâce à leur bouche-ventouse.
Il arrive également que l’on découvre par inadvertance des larves près des berges vaseuses. Il est alors important de les observer sans les déranger puisque les Lamproies sont des animaux protégés.
Quelques espaces naturels sensibles de Maine-et-Loire où vivent des Lamproies :
Des espèces particulièrement menacées à protéger
La présence de Lamproies est un bon indicateur de l’état écologique d’un cours d’eau. Ces animaux sont en effet très sensibles à la qualité de leur milieu de vie.
En tant qu’animaux filtreurs, leurs larves sont directement impactées par la pollution de l’eau. Quant aux adultes, la dégradation du lit des rivières les empêche de trouver le bon substrat pour pondre. L’extraction de granulats sur les rivières a ainsi fortement impacté leurs frayères. Sur les zones sensibles, ces activités sont aujourd’hui interdites ou limitées.
Les Lamproies marine et fluviatile étant des espèces migratrices, les obstacles sur les cours d’eau compliquent également leur remontée. Les actions visant à aménager ou effacer les barrages leur sont ainsi bénéfiques. Les syndicats de bassin versant ainsi que le Département de Maine-et-Loire mènent des actions en ce sens.