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Dans la champagne de l’Anjou
À la pointe Sud-Est de l’Anjou se trouve l’un des hauts lieux floristiques des Pays de la Loire. L’amoureux de la nature pourrait pourtant bien être surpris en le découvrant. Pas de forêt aux arbres centenaires ni de marais aux plantes extravagantes ici. Contrainte par un sol sec et façonnée par l’homme, la nature s’y fait tantôt steppes, tantôt cultures. C’est ce que l’on appelle la « champagne ». Voici donc la champagne de Méron et Douvy qui s’étend principalement sur les communes de Montreuil-Bellay et Épieds.
Le promeneur fait face à un paysage totalement ouvert, s’étendant à perte de vue, presque nu, venteux. Au milieu, une zone industrielle. Aux alentours, quelques haies éparses et, plus loin, des villages qui se dessinent. À la fin de l’été, des chapelets de bottes de paille viennent rompre çà et là la platitude de l’horizon.
Si la succession de cultures, de prairies, de jachères et de friches est bien loin de l’idée que l’on peut se faire d’un site naturel exceptionnel, la champagne de Méron et Douvy l’est pourtant à plus d’un titre. Cet espace naturel sensible (ENS) recèle une flore riche et inhabituelle pour la région. Souvent rare, toujours fragile, elle attire les naturalistes qui viennent l’étudier et la préserver.
Quant à la faune, elle vaut elle aussi le détour. La diversité d’oiseaux nicheurs et d’insectes peuplant le site est remarquable.
Faune et flore de la Champagne de Méron et Douvy
Un tableau champêtre d’une valeur inestimable
À la fin du printemps, la champagne se pare peu à peu de taches colorées. Chahutées par le vent, les fleurs offrent le spectacle d'une toile impressionniste grandeur nature. Le bleu des bleuets se mêle au rouge de l'Adonis goutte de sang, le violet vif des rares Miroirs de Vénus à celui plus bleuté de la Dauphinelle d’Ajax ou encore au rose pourpre des Glaïeuls des moissons. Mais parmi toutes ces fleurs, celle qui se repère le plus facilement est sans doute le Coquelicot. Ou plutôt, les Coquelicots : à Méron l’espèce la plus commune côtoie le Coquelicot hispide. Beaucoup plus rare que son cousin, il s’en distingue par ses pétales rouges foncé et ses étamines bleues.
C’est un spectacle devenu rare qu’offre ici la flore. La plupart de ces fleurs, autrefois communes, ont en effet disparu massivement de nos campagnes. Ces plantes dites messicoles ou plantes des moissons vivent en effet principalement dans les cultures agricoles. Avec l’arrivée des produits phytosanitaires, leur milieu de vie est devenu subitement inhospitalier. Or, trop spécialisées, elles n’ont souvent nulle part d’autre où aller.
Une destination de choix pour les apprentis botanistes
Aux espèces précédemment citées, il faudrait ajouter deux messicoles plus discrètes que seuls les connaisseurs devraient repérer. Il s’agit du Peigne de Vénus et de la Nigelle des Champs.
Le Peigne de Vénus donne de petites fleurs blanches. Mais elles laissent place, à la fin de l'été, à des fruits démesurés ! En forme de tiges dressées ces derniers lui ont valu son curieux nom.
La Nigelle des Champs présente quant à elle des fleurs magnifiques, dont les pétales sont bien séparés et étalés, à plat. Mais elle est rarissime et est en danger critique d'extinction en Pays de la Loire.
La Champagne de Méron et Douvy est par ailleurs le seul espace naturel sensible de Maine-et-Loire à accueillir la Buplèvre à feuilles lancéolées. Petite plante messicole du Sud, elle est devenue très rare en France.
L’ENS abrite également une flore typique des steppes, constituée de plantes héliophiles et adaptées à des sols pauvres et secs. Le Millet printanier scabre est l’une d’entre elles. C’est une petite graminée passant facilement inaperçue mais qui est abondante dans les pelouses du site. Plante rare et protégée, elle fait l’objet d’un plan de conservation mené par le Conservatoire Botanique National de Brest.
Un précieux site de reproduction pour des oiseaux rares
Non contente d’éblouir les botanistes par son incroyable richesse floristique, la Champagne de Méron et Douvy épate également les amoureux d’oiseaux. Elle constitue en particulier le dernier espace naturel angevin à accueillir l'Outarde canepetière. Celle-ci semble bien frileuse avec cette écharpe de plumes noires et blanche qu’elle semble porter autour du cou ! Pas étonnant, alors, que ce soit là son site de reproduction le plus septentrional en France. Cet oiseau inféodé aux plaines céréalières est particulièrement menacé.
Oiseau des steppes, l’Oedicnème criard est présent en nombre sur le site. Difficile toutefois de le repérer en pleine journée : il est alors peu actif et reste tapi au sol. Dès le crépuscule il se met en revanche en quête des criquets, sauterelles et autres insectes. Ses grands yeux dont l’iris est encore plus jaune que ses pattes lui permettent de chasser jusqu’au petit matin !
Le Courlis cendré, une espèce limicole rare en Maine-et-Loire, niche également sur l’ENS. Quelques couples de Busards cendrés aussi, au beau milieu des cultures céréalières.
Le Busard de Saint-Martin ainsi que le Busard des roseaux ont également été observés dans la Champagne de Méron et Douvy, tout comme l’Elanion Blanc. Ce rapace méridional est récemment arrivé en Anjou où il a été observé pour la première fois à Méron !
Une tarentule en Maine-et-Loire ?
La Champagne de Méron et Douvy accueille une énorme araignée : 25 mm pour les plus grosses. C’est peu ? C’est qu’il faudrait préciser que l’on ne compte pas ici les pattes ! Cette araignée-loup est connue sous le nom de Lycose tarantuline (Hogna radiata). Son nom vient de sa ressemblance avec la Tarantule vivant dans le sud de la France. Pas d’inquiétude toutefois : le venin de ces araignées n’est pas dangereux pour l’homme, quoi qu’en disent les croyances.
La Lycose tarantuline chasse des criquets et sauterelle appréciant eux aussi le climat chaud de Montreuil-Bellay. Des espèces peu communes vivent ici comme le Criquet pansu et le Dectique verrucivore.
Au cœur de la faune du Jurassique
Sous les friches et les cultures céréalières se cache un véritable trésor enfoui. Des terres vieilles de plus d'une centaine de millions d'années sont ici affleurantes : elles sont remontées à la surface. Ce calcaire datant du Jurassique abrite de nombreux fossiles. Montreuil-Bellay attire ainsi des paléontologues depuis le XIXe siècle. Edmont Hébert (1812 - 1890), Eugène Eudes-Deslongchamps (1830 -1889), Maurice Cossmann (1850 - 1924) et de nombreux autres naturalistes se sont penchés sur la riche faune marine qui vivait autrefois ici. Ce sont des Ammonites, des gastéropodes, des bivalves, des bélemnites...
Les gisements se sont révélés non seulement abondants en spécimens mais également très diversifiés. Plusieurs dizaines d'espèces d'invertébrés ont même été découvertes pour la première fois à Montreuil-Bellay !
Les fossiles encore présents sur le site doivent le rester ! Ils pourront ainsi être étudiés lors d’une prochaine fouille.
Un espace naturel sensible protégé
Le lien unissant l’être humain avec les écosystèmes apparaît d’autant plus fort dans les milieux agricoles. La nature y est en effet constamment façonnée par la main de l’homme. La flore et la faune de la Champagne de Méron et Douvy dépendent ainsi grandement des choix pris par les agriculteurs. Rotations des cultures, dates de semis et de récoltes, travail du sol, type de traitements phytosanitaires...
Des mesures agro-environnementales sont ainsi mises en place par certains agriculteurs sur le site Natura 2000. Ce sont, par exemple, le recours à des jachères pour favoriser la reproduction de l’Outarde canepetière. Ils participent également à des actions menées par la LPO pour protéger les nichées des Busards cendrés. Celles-ci sont en effet cachées dans les cultures céréalières et donc vulnérables au passage des moissonneuses-batteuses. Les nids sont donc sécurisés voire déplacés.
Le Parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine accompagne la collectivité dans le développement de la zone industrielle qui doit se faire en minimisant les impacts sur la faune et la flore protégée.