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Sentier de la vallée des Cartes
Au nord-est de l’Anjou, une vallée d’un autre temps
À la frontière entre le Maine-et-Loire et la Sarthe s’écoule un cours d’eau discret : le ruisseau des Cartes. Il se faufile entre bois et champs dans les communes de Baugé-en-Anjou et Savigné-sous-le-Lude.
Petite par sa taille, la vallée qu’il traverse n’en est pas moins grande par sa richesse patrimoniale. La diversité de paysages qu’elle déploie et les précieux habitats qu’elle recèle en font un lieu unique en Anjou. Il y a là des ribambelles d’étangs, des tourbières à sphaignes, des prairies et bois humides, des cladiaies dominées par la Marisque et ses feuilles coupantes…
Et il y a, surtout, des bas-marais alcalins. Ces prairies tourbeuses, abreuvées d’eau calcaire, constituent des habitats d’intérêt communautaire. Les plantes et insectes très spécialisés qu’elles abritent ont en effet subi de plein fouet leur raréfaction, à l’échelle des Pays de la Loire comme de l’Europe. Témoins d’un pastoralisme trop oublié, les quelques hectares présents ici attendent le promeneur pour lui conter leur histoire.
Inutile, par ailleurs, de maîtriser les baguettes de sourcier pour découvrir les sources de la vallée des Cartes. L’espace naturel sensible est traversé par divers sentiers dont un chemin d’interprétation. Au départ de l’église de Vaulandry, celui-ci permet de découvrir en peu de temps quelques singularités du site.
Pour découvrir le site, suivez le sentier nature « Sentier de la vallée des Cartes »
Faune et flore des sources de la vallée des Cartes
Un site qui fascine les botanistes depuis des siècles
La vallée des Cartes est un haut lieu de la botanique angevine, et ce depuis le XVIIIe siècle. Ce sont en particulier des plantes rares des marécages et des prairies humides qui attirent les spécialistes.
Des petites têtes noires au bout de tiges vertes ? Voilà le Choin noirâtre et ses curieuses fleurs. Celles-ci seront surmontées, à la fin de l'été, d'une touffe de cheveux blancs partant tous azimuts. Ce sont ses fruits, des akènes. Plante rare et menacée, le Choin noirâtre est typique des bas marais alcalins où il s’y fait très abondant.
Les prairies tourbeuses sont également propices au développement de plantes carnivores. L’Utriculaire fluette, menacée à l’échelle des Pays de la Loire, a notamment été observée dans la vallée.
Deux autres plantes remarquables des zones humides, la Valériane dioïque et le Trèfle d’eau, sont présentes sur le site. La première se dénomme « dioïque » car les fleurs mâles et femelles sont portées par des pieds différents. Une particularité rare pour une plante herbacée ! Le second a un nom trompeur tant il n’a rien en commun avec les trèfles des champs. Plante semi-aquatique, il donne de curieuses fleurs blanches recouvertes de cils.
Descendue du mont Parnasse pour éblouir les randonneurs, la Parnassie des marais est une des nombreuses autres merveilles de cette vallée. Comment ne pas citer également la Gentiane pneumonanthe et ses fleurs d’un bleu profond… Sa présence permet à l’Azuré des mouillères, un papillon rare, de réaliser son cycle de vie ici. Il ne pond en effet ses œufs que sur ces Gentianes !
Le défilé bariolé des orchidées
Parmi toutes les plantes rares que renferme la vallée des Cartes, les Orchidées sont sans doute les plus photogéniques. Il suffit de voir l'inflorescence de l'Orchis à fleurs lâches, d’un violet « pétant », pour s'en convaincre. Ou mieux, celle de l'Epipactis des marais, une orchidée menacée qui se plaît dans les bas marais alcalins. Ses grandes et belles fleurs blanches-carmin jouent avec les contrastes de formes comme de couleurs.
Plus commun, l'Ophrys abeille n'en est pas moins étonnant : le label (pétale inférieur) de ses fleurs imite la faiseuse de miel ! L'illusion est saisissante.
Au Nord-Est de l’espace naturel, le promeneur rencontrera peut-être l'Orchis odorant. Son nom n’est pas trompeur ! Il côtoie l'Orchis des marais, une autre orchidée rare et menacée.
La vallée des Cartes est par ailleurs le seul site angevin où la Spiranthe d'été a été observée. Cette rarissime orchidée voit ses petites fleurs blanches s'enrouler en spirale autour de sa tige. Un véritable escalier floral en colimaçon ! Si un chanceux croise cette élégante plante menacée, il aura fait une découverte précieuse. Sa dernière observation sur le site date en effet d'avant 1990...
Une vie colorée faisant vibrer la vallée
De nombreuses libellules et demoiselles ont trouvé refuge dans les milieux humides du site. Certaines sont protégées, comme l’Agrion de mercure et l’Oxycordulie à corps fin. Le premier a un corps rayé de bleu et de noir et affectionne particulièrement les petits cours d’eau. La seconde est une espèce menacée dont l'abdomen et les yeux aux reflets verts métallisés lui confèrent une allure très "steam-punk" ! D’autres libellules présentes ici sont plus communes, telle l’Agrion élégant.
Impossible de parler couleurs sans citer les papillons, en particulier les Azurés aux ailes bleutées. Plusieurs d’entre eux ont trouvé refuge ici, comme le rare et menacé Azuré des mouillères.
Toute une ribambelle bigarrée d’autres insectes s’ajoute à la danse. Le Gomphocère roux est un des rares criquets à avoir des antennes s'élargissant en massue à leur extrémité. L’Agapanthie à pilosité verdâtre est quant à lui un coléoptère dont les antennes sont plus longues que le corps !
Dans la vallée, les insectes ne sont pas les seuls à aimer les teintes vives. Le Martin-pêcheur d’Europe a un plumage des plus flashy ! Il vole malheureusement si vite (jusqu’à 80 km/h) qu’il ne laisse souvent qu’un éclair bleuté imprimé sur notre rétine…
De la curieuse Lamproie de Planer qui serpente dans l’eau au discret Campagnol amphibie qui gambade sur les berges, le ruisseau des Cartes accueille de nombreuses autres espèces protégées.
Quand l’Histoire redessine les écosystèmes
Le visage que prend un espace naturel est le résultat de deux dynamiques. La première est celle des actions de l’homme sur celui-ci ; la seconde, la réponse du vivant à ses actions. La vallée des Cartes l’illustre très bien, et ce sur plusieurs aspects de son paysage.
Comme le content les habitants de Vaulandry, nombreux sont les étangs ici dont l’origine remonte à l’occupation. Le pétrole faisant défaut, la tourbe a en effet été utilisée comme combustible. Son extraction a formé des dépressions qui, avec le temps, ont été ennoyées. Elles sont aujourd’hui accompagnées de nombreux autres étangs créés dans un but récréatif.
Pendant longtemps la tourbe a également dicté l’agriculture pratiquée dans la vallée. Impropres aux cultures, les terres servaient de pâtures et de prairies de fauche.
Durant la deuxième moitié du XXe siècle, la déprise agricole a toutefois beaucoup affecté la vallée. Les prairies d'autrefois ont été abandonnées au profit de la sylviculture. Des pins et des peupliers ont été plantés en nombre. Ces boisements offrent malheureusement peu d'intérêt écologique en comparaison des quelques prairies relictuelles…
Un espace naturel sensible en action
Le Conservatoire d'espaces naturels (CEN) des Pays de la Loire et le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) mènent plusieurs actions sur cet espace naturel sensible. Un plan de gestion a notamment été mis en place en 2018 et évalué en 2022.
L’un des objectifs phares sur le site est la préservation et l’entretien des bas-marais alcalins. Cela passe en particulier par des partenariats avec des éleveurs locaux. C’est en effet grâce au pâturage que les prairies se maintiennent dans le temps. Sans l’action des agriculteurs, les milieux se transformeraient naturellement, perdant dans le même temps une part de la biodiversité qu’ils accueillent aujourd’hui. Une situation peu souhaitable lorsque ces habitats sont déjà relictuels…
Autre action mise en place : la commune de Baugé-en-Anjou achète des étangs artificiels pour les reconvertir en zones humides.
Un suivi de certaines espèces patrimoniales est également réalisé sur l’espace naturel sensible.